À lire
« Il aura fallu pas moins de deux ans pour que paraisse en France, chez Verdier, la traduction de ce premier roman de la Catalane Eva Baltasar, auteure déjà d’une dizaine d’ouvrages de poésie, eux-mêmes encore jamais traduits. Il y aurait certes lieu de s'étonner qu'encensé, dès sa parution en 2018, par la critique locale, Permafrost (Permagel, en catalan), ait mis autant de temps à pénétrer le marché français et introduire dans son temple une auteure dont l'œuvre déjà, pourtant, considérable était jusque-là passée sous le radar. Mais, comme on dit, mieux vaut tard que jamais, n'est-ce pas, et les bonnes choses viennent à ceux qui attendent. Car il y a dans ce premier volet d’un triptyque en trois femmes – trois voix, trois vies, trois corps –, quelque chose que l'effet simultané, sur la narratrice comme le lecteur, du désir, de l'amour d'un côté et de la mort de l'autre, fait naitre : le sublime. Ce qui n'est quand même pas peu dire d'un livre qui, d'ailleurs fort court, se présente, simplement, comme le monologue, découpé en petits épisodes d'à peine quelques pages, d'une lesbienne quadragénaire en mal de vivre ; une description, j'en conviens, réductrice. Mais sous le manteau de glace de cette femme résolue à ne rien laisser paraître d'elle-même, à se rendre insensible à toutes les autres femmes de sa vie, sa mère en tête, parangon de l'obsession bourgeoise, suivie de sa sœur, épouse comblée, jeune maman épanouie, puis de tout le cortège des amantes qui se succèdent, laissant des traces ; sous cette terre gelée, ce permafrost, on accède, recluses, aux pensées qui, bien vivantes au fond, s'entassent et s'accumulent et, à chaque nouvelle saison plus chaude que la précédente, menacent toujours de plus en plus de libérer leur cataclysme, leur méthane et leurs anciens virus enfouis sur le monde. »
Ce qu’en dit l’éditeur
Pour pouvoir vivre, la narratrice de Permafrost n’a eu d’autre choix que de se protéger des femmes auprès desquelles elle a grandi, de leurs obsessions navrantes, du cortège de mensonges et de sourires destinés à sauver l’idée de l’épouse comblée et de la mère épanouie. Mais, derrière l’épaisse cuirasse qu’elle a dû se fabriquer, ne se retrouve-t-elle pas prise comme dans une terre gelée, enfermée avec ses pensées suicidaires?? Heureusement il y a les chambres, celles où elle se réfugie dans la lecture passionnée d’autres vies, et celles où elle découvre le corps et les caresses d’amantes fabuleuses. S’isoler, s’adonner au plaisir, ne suffit cependant pas?: pour se libérer, il faut ce récit, écrit comme l’on se parle à soi-même, sans détour. Un corps avec ses sensations, une voix avec ses réminiscences, ses craintes et ses limites, pour enfin se sentir «?vivante, vivante comme jamais?».
Biographie
Née à Barcelone en 1978, Eva Baltasar est poète et romancière. Permafrost est son premier roman traduit en français. Il a rencontré à sa sortie en 2018 un grand succès en Espagne.