Ce qu’en dit l’éditeur
C'est sur cette adhésion donnée dans le secret du cur que se fonde la prise d'un écrivain sur son public, la " société secrète " qu'il a peu ou prou créée, sur laquelle il n'a que de très vagues indices, et qu'il ne dénombrera jamais (heureusement).
C'est par elle seule qu'il est, s'il est quelque chose. C'est là toujours que reviennent s'agacer ses doutes, quand il s'interroge sur le plus ou moins fondé de l'idée singulière qui lui est venue d'écrire ; il intéresse, ce n'est pas douteux, il a un public, une " situation ", on parle de lui, il reçoit des lettres, des coupures de presse - qui sait, il gagne peut-être même de l'argent (que de fantômes obligeants, et remplaçables, autour de sa table de travail, pour rassurer), mais là n'est pas la question ; il y a un " tout ou rien " lancinant auquel il n'échappera pas : a-t-il été, ne fût-ce qu'une brève minute, " un dieu pour eux ", pénétré, ne fût-ce qu'une fois, au cur de la place, a-t-il provoqué cette sensation insolite, en effet, de " vent autour des tempes ", oui le cur hésite, les a-t-il suspendus, un instant irrespirable, à ce quite de l'éternité ?
Biographie
Julien Gracq (1910-2007) est l’un des auteurs les plus secrets et les plus célèbres de la littérature française. Résolument indépendant, il fut le premier écrivain à refuser le prix Goncourt que lui avait valu Le Rivage des Syrtes. Son art de dire, romanesque, poétique, critique, exprime ce « goût charnel » pour les mots, « du mot-climat au mot-nourriture», qui selon lui caractérise tout véritable écrivain.
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